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Des balises structurelles pour la profession du coaching
par Sylvie Guignon
En janvier 2009, Simon Pagé écrivait dans l’infolettre « le coaching est une profession en émergence » et en tirait une conclusion lapidaire : « tout est à faire ». En octobre 2009, le congrès annuel de la FICQ choisit d’explorer « le coaching comme profession en devenir ».C’est donc l’occasion pour moi de « remonter le temps »… Il y a un an, en octobre 2008, je proposais un débat à la section Québec de la FICQ en interrogeant le statut de Profession du coaching. Parmi les points alors abordés, il en est un qui me semble toujours d’actualité, celui qui exposait les principales balises structurelles communément reconnues en recherche comme participant de l’établissement d’une Profession. C’est au travers du prisme de la sociologie des professions que j’ai exploré le statut de la pratique de coaching en entreprise et exposé des éléments de réflexion qui interrogent l’émergence d’un groupe de praticiens qui a ses façons de faire, ses formations et ses critères d’appartenance.
Parmi les attributs importants du développement d’une Profession, il est courant de retenir: la réalisation d’une pratique régulière, l’existence d’une formation dédiée et reconnue, l’établissement d’organisations représentatives, la formalisation d’un code de déontologie et l’obtention d’un statut légal.
Ainsi, la réalisation d’une pratique courante fait référence à une pratique spécifique exercée à temps plein, caractérisée par des activités permanentes et durables. Dans cet ordre d’idée, le service rendu par les praticiens exerçant le métier doit être reconnu comme utile. En la matière, le coaching semble être une réponse à un contexte d’activité de plus en plus difficile pour des entreprises qui cherchent à favoriser le développement de leurs employés-clés. C’est donc face à un nouveau besoin des organisations qui veulent s’ajuster à des situations nécessitant adaptabilité et différenciation qu’une offre de service novatrice se structure et semble prendre de l’ampleur.
L’existence d’une formation dédiée et reconnue renvoie dans un premier temps à un apprentissage dispensé au sein d’écoles de formation spécifiques avant que ne s’opère un rapprochement avec des institutions académiques reconnues. Ce mouvement conduit au développement d’une formation standardisée et à la délivrance de diplômes reconnus par la société. Si les coachs sont encore souvent autodidactes, il existe aujourd’hui des «écoles de coaching» qui dispensent des modules de formation représentant un bagage de connaissances qu’un coach devrait posséder. Ces écoles délivrent des accréditations professionnelles que les prescripteurs commencent à prendre en compte. Une transition académique semble aussi s’opérer, indice d’une reconnaissance d’un cursus de formation spécialisé qui se formalise.
L’établissement d’organisations représentatives, que ce soit en tant qu’association, fédération ou ordre, a pour objectif la structuration et l’évolution du groupe professionnel. Au travers de tels organismes, ce sont les frontières avec d’autres pratiques, les compétences requises pour exercer le métier ou encore l’image de marque qui sont définies. De par le monde, il est possible de recenser des associations fédérant des coachs et assurant la représentativité de leurs membres. Elles sont un canal privilégié pour diffuser, au sein de la communauté, des informations concernant l’état de l’art, les évolutions de la législation, les domaines sujets à recherche, etc., au travers de congrès et de revues spécialisées. Peu à peu, elles semblent devenir garantes d’une professionnalité en acte.
La formalisation d’un code de déontologie est aussi du ressort des organisations représentatives. C’est à partir d’une réflexion sur l’éthique d’un métier dont elles soutiennent le développement que les associations conçoivent des règles à suivre qui régulent l’activité des praticiens. Ainsi, les principales fédérations de coaching promeuvent des recommandations déontologiques qui révèlent des normes et des valeurs auxquelles la pratique du coaching entend se conformer.
Finalement, l’obtention d’un statut légal vise à clarifier un champ de compétence qui n’apparaît pas exclusif par le recours à la loi. En obtenant un statut de Profession spécifique, un groupe professionnel protège ses activités par la création de fonctions et de dénomination réservées. Aujourd’hui, les coachs ne bénéficient pas d’un statut particulier protégeant et réglementant formellement la pratique de coaching en tant que telle.
Compte tenu de ce portrait brossé à partir de balises structurelles qui permettent de décrire le développement des groupes professionnels, il semble que l’on puisse effectivement attribuer au coaching la caractéristique de Profession en émergence. Cependant, le processus qui pourrait mener à l’obtention du titre de Profession n’est pas sans obstacle car la légitimité de la pratique confronte des enjeux sociaux et économiques importants.
Références :
Guignon, S., & Fournier, P. (2007). Quel statut pour le coaching en entreprise? L’éclairage de la sociologie des professions. Management international, 11(1), 79-84.
Guignon, S. (2006). Des savoirs pratiques construits à partir de récits d'intervention de coachs en entreprise. Mémoire de maîtrise non publié, Université Laval, Québec (QC).